Les limites de la mesure

Nicolas Bariteau

Écrit par Nicolas Bariteau

La mesure est au coeur du marketing qu’il soit digital ou non. Mais les nombres et les statistiques ne font pas tout. Pourquoi ont-ils envahis nos vies ? Et quelle est leur réelle valeur ? 

Il est capital de remettre les choses en perspective, car les nombres dominent le monde. Tout du moins exprimons-nous notre rapport au monde avec des chiffres et des nombres et c’est bien là le mal de notre XXIème siècle, nous sommes devenus comptable plus qu’acteur de nos vies.

Ce phénomène a même inspiré un écrivain et scénariste belge, Charly Delwart, pour son livre Databiographie (éditions Flammarion), dans lequel il cherche à répondre à la question : qu’est-ce que l’on raconte de sa vie en la quantifiant ? Si deux simples chiffres ont la capacité à donner une idée claire de ce que notre monde est, est-ce que les statistiques pourraient éclairer notre propre existence ? Si l’on dépasse ce questionnement existentiel, mais sommes toute un peu anecdotique, et que l’on se penche plus précisément sur ce phénomène statistique, je ne peux que vous recommander la lecture du livre Quand le monde s’est fait nombre de Olivier Rey

La mesure pour quantifier le monde

L’auteur, mathématicien et philosophe, nous y explique comment la statistique règne sur la société, régente les institutions et domine la politique. Nous baignons dans un océan de courbes, d’indices, de graphiques, de taux, qui recouvre l’ensemble de la vie, et pas seulement la nôtre. Il n’y a qu’à penser à la manière dont notre planète a été numérisée avec Google Earth ou chaque centimètre est devenue un ensemble de nombres et d’indicateurs géographiques.

L’éducation, elle aussi, disparaît derrière les enquêtes PISA, l’université derrière le classement de Shanghai, les chômeurs derrière la courbe du chômage. La statistique a été originellement conçue pour refléter l’état du monde, le monde est devenu un reflet de la statistique. Olivier Rey souligne que les nombres ont pris une place exorbitante au sein de notre civilisation, jusqu’à parler de quantification du monde. Pourquoi un tel comportement ? Parce que la perception de notre monde est devenue complexe, et que les nombres sont devenus « les ultimes garants de la réalité, et non seulement calibrent le monde, mais colonisent jusqu’à l’intime » avec le quantified self. Nous mesurons nos pas, notre fréquence cardiaque, notre IMC, etc. « La santé n’est plus ce que l’on ressent, mais ce dont des mesures attestent. »

La mesure n’est pas une fin en soi

La mesure de l’être commence dès la naissance, quel est le poids et la taille du nourrisson, et nous poursuit tout au long de nos études avec les notes et les moyennes pour seul étalon de la progression des apprentissages et de la réussite. Mais, comme le dit Seth Godin dans son article Insignificant digits, « qui est le meilleur étudiant ? » Celui avec une moyenne pondérée cumulative de 16,5 ou celui avec celle de 16,8 ? Ni l’un ni l’autre ; ou les deux, en fait.

Et « qui est le plus riche ? Quelqu’un avec 3 milliards de dollars ou quelqu’un avec 3,1 milliards ? Ils le sont tous les deux. Ils peuvent acheter tout ce qu’ils veulent et l’un ne manquera pas d’argent avant l’autre. »

Ces mesures sont stupidement et incorrectement précises. Les éléments qui ont conduit à évaluer une note ou un capital dépassent de loin l’importance des écarts, de quelques dixième de point à quelques millions de dollars. Ils résultent de facteurs aléatoires; pour l’étudiant, des facteurs comme l’état de stress, la nuit passée la veille de l’examen, sa capacité à surmonter le confinement et à être resté motivé, ainsi que les jugements du correcteur, confronté lui aussi à ses propres certitudes et hésitations, à son humeur, malgré toute l’objectivité dont il peut faire preuve en s’appuyant sur les grilles de notation.

Et il en va de même pour les taux de clics, le nombre de followers et de mentions sur Twitter, le nombre de pas quotidien, et la plupart des autres « mesures » de notre vie. Les marqueteurs cherchent à mesurer la performance de leurs actions, cela est normal. Après tout, obtenir des résultats sans pouvoir évaluer la portée des actions mises en place s’avèrerait totalement contre-productif. D’où la création de processus de mesure, d’indicateurs et autres KPI, mais aussi de moyens de mesure, comme les cookies tiers et zero party data dont j’ai parlé récemment dans un précédent article.

Alors, finalement, comment appréhender la mesure ? Pour reprendre les mots de Seth Godin :

Ce n’est pas parce que nous pouvons augmenter les chiffres que nous pouvons voir plus clairement.

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